Comment être efficace à la récupération ? « Le football se résume ainsi : il y a le jeu dans les pieds et le jeu dans l’espace. Si tu ne fais que l’un ou que l’autre, tu es mort » [4]. L’approche de Suaudeau est simple. Mais en réalité elle met encore une fois en avant sa particularité dans l’analyse du jeu. À première vue, on peut simplifier en mettant en relation le jeu dans les pieds avec la possession du ballon, et le jeu dans l’espace avec un jeu de contre-attaque. Avec cet article rédigé par l’excellent site jaunelière.com, nous poursuivons notre série consacrée au jeu par les passes !
Comment être efficace à la récupération du ballon
LA PHASE DE POSSESSION
L’entraîneur catalan suit la mentalité historique du football estampillé FC Barcelone. Un de ses plus fameux adeptes, Johan Cruijff, s’exprime de façon pour le moins laconique à ce sujet : « Sans le ballon vous ne pouvez pas gagner ». Cette phrase semble répondre à celle, célèbre, du baron Nils Liedholm : « La possession de balle est fondamentale : si tu as le ballon pendant 90 minutes, tu es sûr que l’adversaire ne marquera jamais un but ». Mais les perspectives sont différentes : avoir le ballon pour marquer, ou avoir le ballon pour ne pas encaisser de but.
Alors, le FC Nantes de Suaudeau et celui de Denoueix sont-ils comparables au niveau du jeu avec le Barça ou encore l’Ajax ? La réponse est non, parce que chez Suaudeau par exemple, le jeu est plus direct. Comme il le souligne, il n’y a pas que la mentalité, il y a également la vitesse : il se rapproche plus en cela du Manchester United de Ferguson, avec la même volonté et la même capacité de récupération à 11, mais un jeu plus direct dès lors que l’équipe est en possession de la sphère.
Exemple vidéo
On retrouve aussi cette volonté de profondeur et d’explosivité dans un des milieux de terrain « modèle » de Jean-Claude Suaudeau, celui du Milan AC de Carlo Ancelotti : « le Milan AC a présenté au milieu des années 2000 six ou sept milieux, sans réel attaquant. C’était au temps ou Kaka jouait encore là-bas. Et tu avais ce milieu qui éclatait comme une gerbe de feu d’artifice (…) Le Barça le fait, un peu moins en explosant, mais il le fait » [6]. Notons une nouvelle fois la particularité de l’absence de l’attaquant dit « classique ».
L’AS Roma de Luciano Spalletti a, par exemple, connu également un relatif succès grâce à une astuce similaire. Le positionnement de Francesco Totti en faux avant-centre, dont la mission était de revenir vers l’arrière pour aspirer le bloc défensif adverse, permettait ainsi à une ligne de trois milieux de terrain de se projeter dans les espaces laissés libres. « Il faut toujours s’aménager de l’espace devant soi, il ne faut pas craindre à un moment de reculer ». Le schéma qui veut qu’il y ait des équipes défensives et des équipes offensives n’existe pas : il y a des équipes qui remontent la balle de beaucoup plus loin, et d’autres de beaucoup plus près » (Jean-Claude Suaudeau) [4].
Suaudeau et Guardiola ont donc deux manières d’exprimer la même philosophie, mais pour autant, l’historique « jeu à la nantaise » n’est pas celui du Barça actuel. La différence primordiale est celle de la gestion du ballon.
On joue à une touche de balle, mais on ne cherche pas l’approche du but adverse de la même manière. « On fait des passes mais pas de n’importe quelle façon » (Jean-Claude Suaudeau). Reynald Denoueix avait quant à lui une approche beaucoup plus similaire à la typologie de jeu espagnole moderne. Suaudeau parlait de « filiation ». Mais sa priorité à lui c’était d’avoir le ballon, et de le garder le plus longtemps possible. Et ça c’est une maladie du jeu d’aujourd’hui, c’est pour ça que le jeu devient emmerdant”.
Sans s’attarder sur l’aspect esthétique, en regardant de plus près la circulation de balle du Barça ou de l’équipe nationale espagnole, on peut remarquer que la phase de circulation horizontale (dans les pieds), le « tiki-taka » est souvent uniquement la préparation à une recherche brusque de la profondeur (dans l’espace) qui amène la situation dangereuse.
C’est l’expression de ce que disait Suaudeau à propos de la nécessité de varier la passe dans les pieds et dans l’espace. Sans cantonner cette expression à un jeu de contre-attaque ou de possession du ballon. Cette propension à verticaliser le jeu au milieu de joueurs adverses souvent acculés devant leur but est la clé de l’efficacité du système. Ce qui nécessite beaucoup de travail à l’entraînement et des joueurs particulièrement forts techniquement.(mouvements de ruptures vers l’avant et vers l’arrière)
Comment être efficace à la récupération
Une autre notion fréquente dans l’analyse d’une équipe est l’équilibre. Rinus Michels, un des plus grands entraîneurs de l’Histoire s’exprimait ainsi : « Composer un onze de départ est tout un art. Il faut trouver le juste équilibre entre les joueurs créatifs et ceux qui sont là pour détruire. Entre défense, construction du jeu et attaque, sans jamais oublier la qualité de l’opposition et la pression inhérente à chaque match ».
Jean-Claude Suaudeau associait cette notion d’équilibre à d’autres aspects : “le déséquilibre se remarque dans le mouvement“ [6]. Mais il expliquait également concevoir le jeu à partir de la récupération. Comme détaillé précédemment, on peut gérer le ballon rapidement ou plus lentement. La grande différence étant la définition de la zone choisie pour la récupération. Une équipe ne subit pas forcément quand elle est proche de son but, cela peut faire partie d’une stratégie. C’est le cas du Manchester United de Sir Alex Ferguson à la fin des années 2000.
La phase de récupération est nécessairement une contre-mesure à la recherche d’espaces nécessaires à la circulation de ballon de l’équipe adverse. L’équipe doit être compacte – le fameux « bloc » – pour être en mesure d’intercepter les passes adverses. Christian Gourcuff, grand amateur du 4-4-2 d’Arrigo Sacchi, cherche à appliquer ce système tactique par la petite distance – quelques mètres – qu’il permet de maintenir entre les lignes et même entre les joueurs.
La position de l’équipe sur le terrain est définie par la hauteur de la ligne défensive. Ce depuis l’introduction de la défense en zone et de la mise en place d’une tactique défensive calée sur le hors-jeu. Le pressing, la combativité se chargera ensuite de fermer les espaces. Et cela implique aussi, comme lors de la phase de possession, des déplacements et une intelligence collective.
Exemple vidéo
Si la ligne de défense est haute le pressing et la récupération seront hauts. Si la ligne est plus basse, la pression et la récupération s’effectueront dans la propre moitié de terrain de l’équipe. Et il y aura par conséquent plus d’espaces et un jeu plus direct. C’est donc dans l’attitude et la position que tout se joue. Les hollandais et l’Ajax du début des années 1970 avaient peut-être, il est vrai, compris cela avant tout le monde avec leur « football total » qui est à la base une « anti-tactique », une façon de jouer plus qu’une stratégie.
Ce concept innovant et révolutionnaire a été développé par le coach hollandais Rinus Michels. Le style apparaît en opposition à l’aspect physique prévalant à l’époque. Michels fut le premier à instaurer une défense formée d’une ligne de 4, cherchant à appliquer la tactique du hors jeu. Il demandait à ses milieux et à ses attaquants d’effectuer un pressing asphyxiant sur le porteur du ballon. La conception de Michels reposait essentiellement sur des mouvements intelligents, de bons automatismes et une excellente condition physique.
Pour l’ultime chapitre de ce dossier « Le Jeu par les passes » à paraître dans quelques jours, c’est la notion de polyvalence, qui sera déchiffrée et analysée.