Paroles d’entraineur : Interview de F Keiffer (1/2)

Interview de F Keiffer. Après vous avoir présenté la méthode plaisir et performance – j’ai eu la chance d’interviewer François Keiffer la semaine passée. Quasi une heure de discussion sur sa vision du rôle de l’éducateur et du message qu’il peut délivrer à ses joueurs et quels résultats il peut espérer. Je vous fait partager cet interview enrichissante. Un grand merci à François un passionné tout simplement !

Interview de F Keiffer

Voici la première parti de l’interview. Très bientôt la suivante !

Version audio : Méthode Keiffer – plaisir et performance

Est-ce que tu peux nous présenter ton parcours de footballeur puis d’éducateur ?

J’ai joué jusqu’à 35ans. J’ai joué dès que j’ai pu mettre un pied devant l’autre, en club ensuite dès 6ans et puis mon parcours c’est un niveau honorable. J’ai fait de la 3ème division à l’époque où ça s’appelait la 3ème division(national) à Orange. J’ai fait quelques apparitions et puis après DH – DHR. Donc voilà, parcours amateur à différents postes et je pense que c’est important parce que j’ai eu la chance de faire différents postes et c’est intéressant dans la perception, connaître le rôle de chacun : libéro, latéral, milieu de terrain, attaquant…Voilà pour mon parcours de joueur. Après, entraineur : j’ai cumulé les deux à chaque fois en fait. J’ai démarré à 16ans tout en jouant, j’entrainais. J’ai fait quasiment ça tout le temps en fait joueur-entraineur donc c’est très fatigant à faire. Mon parcours c’est d’être passé par toutes les catégories et notamment avoir passer les diplômes jusqu’au brevet d’état premier degré et puis la possibilité de continuer avec le DEF(diplôme d’entraineur de foot) et puis c’est toutes les catégories. Le plus haut en senior c’est DH, de la phb et de la pha, DHR aussi. Et puis chez les jeunes de la ligue jusque des expériences avec des équipes 2, des équipes 3 au tout début de ma formation. Et ça aussi c’est intéressant d’avoir des réserves. Voilà un parcours riche avec des niveaux différents au niveau amateur, énormément de rendez-vous sur les terrains.

A partir de quelles observations, quels constats en es-tu venu à te dire : il doit exister une autre manière d’enseigner le football ? Est-ce que c’est venu petit à petit ou est-ce qu’un jour tu as eu un déclic et tu t’es mis à faire des recherches ?

C’est un jour un déclic parce qu’en même temps que je passais mes diplômes de foot je passais mon Beesapt(ancien nom du BP JEPS APT (Activités Pour Tous)) au niveau de la jeunesse et des sports. Ce diplôme t’apprend qu’il existe une autre façon pour apprendre. Un chemin beaucoup plus ouvert basé sur le questionnement, basé sur l’observation, basé sur le fait de prendre du recul, de regarder ce qu’il se passe etc… Et tout en passant le diplôme de foot les deux se sont confrontés tout naturellement et là ça m’a choqué parce que pour moi il n’y avait qu’un seul message d’un point de vue pédagogie dans le football. Là je me suis dit à quoi est destiné le beesapt ? C’est du centre de loisir, c’est des enfants à l’école, c’est du sport à l’école. En parallèle je travaillais dans les écoles en tant qu’animateur de la jeunesse et des sports et là on me disait d’utiliser moins de rigidité, moins de pédagogie fermé comme on dit, utiliser une pédagogie plus ouverte alors là j’ai commencé à me poser des questions : comment c’est possible de proposer deux méthodes et est-ce que c’est possible de transposer celle du beesapt au football parce qu’elle me semblait très intéressante au niveau de l’approche, au niveau de mon ressenti. C’est quelque chose qui me parlait. Tout ceci a eu lieu au début des années 90 moment où j’ai commencé à réfléchir tout doucement à autre chose. C’est en tout cas le beesapt, le point de départ de ma réflexion grâce aux formateurs que l’on avait à l’époque qui étaient des personnes très ouvertes à l’image de ce que je faisais avec eux au niveau des méthodes. Ça s’est fait comme ça. Et au tout début des années 2000-2002, à force de sentir autre chose je l’ai mis en pratique avec la première  équipe. C’était la génération Belhanda donc c’était aussi facile de l’explorer avec de très bons joueurs puisque j’avais une génération exceptionnelle. En u13 à la MJC Avigon où on était une équipe référence dans le sud-est et donc c’était vraiment très intéressant. Et donc très rapidement j’ai eu de bons résultats parce que j’avais des joueurs forts techniquement et intelligents et comme cette méthode est basée sur comment rendre le joueur intelligent ça été fulgurant. Ce fut un bouleversement pour moi aussi parce que le fait de mettre en pratique et de me sentir bien avec cette méthode je me suis dit allons-y ! Cette période correspond à l’avantage d’avoir eu de bons joueurs accélérant ainsi le processus de «  je me sens conforté dans ma démarche » et donc je ne m’arrête plus.

Très vite tu as des résultats, tu vois que ta méthode fonctionne, porte ses fruits et direct tu te dis qu’il faut partager cette science et te viens l’idée de ce livre. Cela arrive de suite ou cela vient plus tard ?

Non, il y a eu besoin d’un petit cheminement pour arriver à ça. J’ai mis 5ans puisque le livre est sorti en 2007.Cela vient après un long chemin et une pratique. Disons qu’au départ en 2002 je faisais des petites choses et si tu veux le fait en premier lieu que ce soit une aventure humaine (c’est d’abord basé sur la relation humaine) après le foot vient c’est pour ça que je dis c’est adaptable à tout le monde. Parce ma méthode ce n’est pas tout de suite du football c’est d’abord de la relation humaine. C’est comment on est soit même entraineur et comment on a envie que ses joueurs deviennent. Donc après on n’est pas dans une dimension de résultat même si le résultat est important et même si je sais qu’en appliquant ces principes j’aurais des résultats mais tout d’abord c’est une relation humaine donc le ping pong que j’avais avec les joueurs, la relation extraordinaire que j’avais avec les joueurs sur cette méthode. C’était pour moi une réussite totale et un bouleversement encore une fois assez incroyable. Parce que moi je changeais d’attitude, je changeais de comportement je n’étais plus le même entraineur qui ne faisait que crier, que donner des ordres, qui ne faisait que dire « vas ici »,  « va là », « centre en retrait », tous ces messages-là. C’était beaucoup plus de recul, d’observations

Tu as gagné en sérénité là-dessus ?

Oui on gagne en sérénité effectivement parce que le fait d’observer, de voir que ça marche, de prendre du recul, de faire des retouches avec eux, de savoir où tu vas avec eux finalement parce que c’est ça l’histoire… Effectivement tu gagnes en sérénité et si tu gagnes en sérénité les joueurs sont mieux déjà parce qu’ils sentent un relationnel basé sur la confiance quelque chose qui est très intéressant où la peur n’existe pas aussi donc ça c’est primordial. Parce qu’on a plus peur de perdre on a plus peur de l’adversaire on tend vers un seul et même objectif c’est celui de bien jouer.

Et donc si tu devais résumer succinctement ta méthode pour le lecteur qui te découvre ?

Résumer ce n’est jamais évident mais ce serait de dire que c’est débord se grandir soit même ! Et faire grandir les joueurs qu’on a à notre disposition sur une saison. Ca c’est une dimension que tout le monde n’est pas capable d’avoir envie de faire. Pour celui qui le veut c’est sans commune mesure c’est d’abord vivre une aventure différente liée au football et puisqu’après c’est rapidement avoir des résultats au niveau de tout ce qui est le placement, la compréhension du football, comment je me situe sur le terrain, pourquoi je dois attaquer, pourquoi je dois défendre, pourquoi je dois aller vite pourquoi je dois temporiser, pourquoi je ne dois pas aller vers l’avant.  Tout un tas de questions. Il doit y avoir une analyse de la situation qui est complétement différente, tu trouves une lecture complètement différente car si tu deviens cet observateur qui prend du recul et qui se sert aussi du joueur dans les discussions questions-réponses ça t’amène un autre regard sur le football. C’est complètement différent c’est plus du tout le role de l’entraineur classique. Ca n’a plus rien à voir. Car en plus de ça tout est basé sur uniquement l’introduction des jeux à l’entrainement. Maintenant c’est vrai que la fédération a repris ce concept depuis deux ans donc je dirais que je suis maintenant dans les clous. Que mon message n’est plus perçu comme quelque chose de trop différent. Maintenant moi je vais encore plus loin dans la méthode dans la manière de poser les questions durant les jeux d’entrainement. J’ai dix ans d’expérience si je fais un jeu je sais quelles questions il faut poser. Parce que les questions elles sont toujours plus ou moins dirigées ce n’est pas poser une question pour poser une question ; tu poses une question pour arriver à ce que le joueur te donne la réponse que toi tu aurai été amené à lui donner mais que tu ne va pas lui donner. Donc quand je fais mes formations autour de ma méthode je vais directement à l’essentiel je sais quels jeux il faut faire pour que le joueur comprenne. J’ai gagné en temps et ça c’est de l’or puisque j’ai démarré en 2002 mais j’y avais déjà réfléchi durant les années 90. Tout ça j’arrive à l’expliquer d’une manière différente que la fédé et ses éducateurs qui n’ont que deux ans de recul. C’est là où je veux me démarquer de ce qui se fait car je pense que j’ai de l’avance sur ce que propose la fédé. Par exemple si tu veux résoudre le problème de la grappe de raisin j’ai l’exercice qu’il faut avec les bonnes questions. Si un entraineur a un problème sur comment se placer sur le terrain j’ai les bons exercices et les bonnes questions. Des exercices il y en a plein ça c’est sûr mais il y en a qui sont inévitables, qui sont des passages obligés. Ca je l’ai gardé pour mon livre et pour mes formations. Pour ceux qui veulent s’informer sur ça je leur donne la primeur, à tous ceux qui s’intéressent à ça.

Tu insistes beaucoup dans ta méthode sur le jeu, le jeu avec ballon bien évidemment. Est-ce que tu penses que mettre en place tout exercice sans ballon ou sans mise en situation réelle type football c’est contreproductif on ne devrait plus voir ça sur un entrainement ? Particulièrement avec les jeunes puisqu’on voit encore beaucoup d’entrainements sans ballon.

Oui, les entrainements sans ballon ça n’a aucun sens. On va y arriver petit à petit d’ici 10-15ans. Parce que ça ne peut pas être fait du jour au lendemain : gommer tous ces entrainements qu’il y a sur tous les terrains de France au niveau amateur. Il y aura encore beaucoup d’entraineurs qui auront cette dimension puisqu’ils vont penser qu’ils vont régler tous les problèmes de jeu en faisant ça. Ils en sont intimement persuadés. Il faut une nouvelle génération d’entraineurs, il faut que ces formations arrivent. Il y a des gens qui sont en train de changer tout ça. Mais effectivement on nous apprend que la mémoire est un des atouts très important pour le joueur ; la mémoire cognitive et la mémoire du corps et bien évidement plus on fera des choses qui ne correspondent pas à la réalité du match et plus on va donner au joueur des mauvaises infos qui malheureusement vont le handicaper au moment où les jeux vont arriver. Mais l’entraineur ne le sait pas que tout ce qu’il va faire sans ballon ou avec un ballon sans opposition dénature le joueur et lui donne des fausses info quant à sa capacité à se retrouver immerger dans un match et là il va vouloir que tout se passe bien…eh non tout ne se passera pas bien et tu seras déçu de ce que produira ton équipe. Encore une fois l’entraineur qui lui est basé sur le physique, la récup du ballon, le jeu dans le camp adverse rapidement etc et qui lui fait du jeu physique sans ballon il va être en accord avec lui-même. Ce n’est pas à lui que je m’adresse. Lui je n’ai pas envie de le persuader !

Lui tu sais qu’il ne changera pas…si ça ne vient pas de lui

Oui voilà. Madrid va lui donner raison ! Mourinho va lui donner raison ! Il va pas se tourner vers le Barça il va se tourner vers ces équipes parce qu’il a cette sensibilité là et ça, ça se respecte . Moi je me tourne vers celui qui peut être a envie de faire du jeu,  du faire du beau jeu. Lui il n’y arrive pas et moi je lui dirais : oui tu ne vas pas y arriver comme ça parce que tu as eu des fausses info depuis que tu es joueur et que tu entraines. Je lui permet de devenir cet entraineur en lui posant des questions, en réfléchissant à une relation interactive. Pourquoi poser des questions ? Comment les poser ? Première des choses et puis deuxième chose si tu ne fais que des jeux d’entrainements et que tu arrêtes ton travail analytique tu va commencer à avoir un petit résultat et ce sera un bon début. Continue à chercher dans ce sens et tu verras que peut-être ça va être le début de quelque chose de différent.

Est-ce que tu penses que ta méthode est applicable en équipe senior ?

Oui je l’ai déjà fait mais c’est quand même plus délicat puisque le seniors est déjà plus robotisé par rapport à un certain style de jeu, une certaine façon d’être.  Lui il a envi qu’on lui dise là où il faut aller, qu’on lui explique sur un tableau des placements et qu’il n’ai pas à se poser de questions.

Oui ce n’est pas naturel du coup, il va être dérangé dans ses habitudes ?

Oui et moi je me suis retrouvé surpris des réponses données par des seniors…Surpris oui et non parce que forcément les séniors ils les ont ses réponses. Des matchs ils en voient, ils savent très bien. Donc quand tu leur poses les questions ils ont les réponses. Mais c’est moins profond qu’avec les jeunes, là c’est le début de tout. Mais bien entendu en senior on peut le faire. Certains coach le font connu et reconnu ; sur leur modèle de formation et leur façon d’etre entraineur et ils ont des résultats. A partir du moment où c’est de la relation humaine, c’est un échange, un partage après ça n’empêche pas que l’entraineur puisse être directif à des moments. Il ne faut pas non plus être dans ces extrêmes là. C’est un terrain en seniors sur lequel il faut aller parce que le joueur si tu l’implique dans un projet il ne dira pas non, il sera content, il va s’exprimer, il va dire pourquoi il a des problèmes. Il va avoir la parole tout ça dans un cadre donné bien défini par l’entraineur. C’est-à-dire que la parole est donné, oui ! Mais après il faut bien s’exprimer, il ne faut pas crier, il faut dire des choses constructives. Après il y a tout un contexte autour de ça, il faut toujours essayer d’être positif il ne faut pas critiquer l’autre ! Tout ça ce sont des relations humaines. A travers tout ça on sera dans une dimension pour un projet commun. Encore une fois, c’est pour gagner, c’est pour bien jouer et gagner aussi parce que les deux c’est un mariage qui peut très bien se faire. Bien jouer et gagner ce n’est pas un problème. Dans le monde du football on a tendance à penser que bien jouer va avec perdre. Prendre du plaisir va avec perdre…c’est malheureux.

C’est triste comme football ! S’il faut gagner sans prendre de plaisir il n’y a plus trop d’intérêt au foot

Oui mais quand tu vois les matchs de jeunes amateurs, tu fais le point du terrain c’est une catastrophe. Et il faut y ajouter le manque de plaisir pris par les joueurs et l’entraineur qui est dans un comportement qui ne correspond pas à une bonne attitude pour pourvoir transmettre des messages.

Parce qu’il est trop souvent dans l’objectif du résultat…

Je le suis moi aussi

Oui bien sûr mais le résultat à tout prix ?

Je le suis pas à tout prix mais pas loin. Mais en tout cas je veux donner d’autres ingrédients. Ta crédibilité passe par le résultat vis-à-vis des parents ou bien du président. Après la question c’est : « Qu’est-ce que tu mets dans ta salade ? » moi j’y mets tous ces éléments là parce que c’est ma sensibilité. On est quand même beaucoup d’entraineurs à avoir cette sensibilité là et il y a beaucoup d’entraineurs qui ne l’ont pas, qui ont l’inverse et qui sont dans une autre dimension. C’est comme ça et c’est peut-être ce qui fait le charme du football. Mais moi je trouve que c’est plus gratifiant, c’est plus valorisant… c’est selon le ressenti de chacun on n’est pas tous pareil à ce niveau-là donc il faut penser que d’autres n’ont pas cette sensibilité là et sont sur un autre terrain. Voilà il y a des Mourinho et des Guardiola !

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A PROPOS DE L'AUTEUR

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Cédric DUBOIS
Le foot, mais plus précisément l'entrainement de foot me passionne. Depuis plus de 20 ans, j'apprends, j'applique, j'échange au maximum pour améliorer sans cesse mon approche de la gestion de groupe. Avec ce site, je propose d'apporter le maximum d'informations aux entraîneurs à la recherche de supports pour devenir plus efficaces.

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